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17-20 juin Saint-Martin d'Entraunes-Barcelonette avec Yves et Elisabeth

Le samedi matin, à 9h pile devant l'église de St-Martin d''Entraunes, Flo et Yves commencent la montée au col de la Cayolle. Elisabeth, qui joue la voiture suiveuse, descend avec moi à Guillaumes boire un petit café et acheter le pique-nique qui réconfortera les valeureux cyclistes là-haut sur le très beau col de La Cayolle.

Bon vent à Elisabeth et Yves qui prennent le relais pour 4 jours avec Flo.

Voici déjà quelques photos de faible qualité puisque tirées de nos portables. Elles résument l’ambiance du trip partagé avec Flo.

Nous avons eu beaucoup de plaisir et depuis notre retour, nous avons l’occasion de partager nos souvenirs avec notre famille et nos amis.

Comme promis, nous t’adresserons un compte-rendu de notre épopée dès que nous en aurons le temps le temps (lessive, travail en retard au bureau, foins autour du chalet, biberons à donner au petit-fils, etc.).

Amitiés.

Elisabeth et Yves

Photos en vrac, mais bon aperçu et retour de ce que Flo partage en chemin, merci beaucoup!!!

UN « CABOSSE DE LA VIE » ET DEUX RETRAITES SUR LES TRACES DU TOUR DE FRANCE

Samedi 17 juin 2017 – Saint-Martin d’Entraunes – Col de la Cayolle – Barcelonnette – Le Lauzet Ubaye 77 km.

Nous avons rendez-vous avec Flo et Mali, à 09 h. 00, à Saint-Martin d’Entraunes. Nous sommes un peu anxieux. Nous connaissons Flo que nous côtoyons régulièrement au hasard de nos rencontres sur les pistes ou au village, mais nous ignorons comment il va s’adapter à deux retraités qui vont partager avec lui 4 jours de périple par monts et par vaux.

Notre voyage de deux jours nous a conduit d’abord à Talloires au bord du Lac d’Annecy et ensuite à Allos, au pied du col du même nom où nous avons passé la nuit.

Saint-Martin d’Entraunes, notre GPS ne connaît pas. L’hôtelière, qui s’est levée aux aurores, pour notre départ, sait seulement que ce village est situé de l’autre côté du Col des Grands-Champs. Elle nous sert un café car le boulanger n’a pas encore livré le pain pour le déjeuner.

La route qui monte en direction du col est étroite et ne permet aucun croisement. Heureusement, à cette heure matinale les véhicules sont rares. Dès le sommet du Col, la route s’élargit. On nous avait signalé que le Département des Alpes Maritimes disposait de plus de moyens que celui de la Vallée voisine. Les marmottes protégées du parc du Mercantour pullulent sur l’autre versant. Malheureusement, l’une d’elle se jette sous les roues de notre véhicule. Nous n’avons pas de permis de chasse, mais dans la famille c’est déjà le quatrième gibier braconné sur les routes.

Peu avant l’heure, nous arrivons à Saint-Martin d’Entraunes. Aucun de ses 88 habitants n’est visible. L’essentiel c’est que Flo et Mali sont ponctuels au rendez-vous.

Bisous, poignées de main, conseils, mode d’emploi de l’appareil officiel de photo, chargement des bagages dans la voiture balai, montage de mon vélo, strip-tease pour enfiler ma tenue de cycliste, nous voilà prêt pour la grande traversée du Col de la Cayolle.

Flo dicte le tempo sur une route relativement plate qui nous conduit à Entraunes qui est en pleine préparation de la fête du pain. Le temps pour moi d’avaler un sandwich en guise de déjeuner et pour Flo d’évacuer le sien, nous voilà parti à l’assaut du col.

Les kilomètres défilent et la pente s’accentue. Nous roulons sur le deuxième plateau, avec la plus petite vitesse engagée. Je conseille à Flo de mettre de temps en temps une ou deux vitesses de plus et de se dresser en danseuse sur les pédales afin de soulager son arrière train et de détendre un peu ses jambes. Flo m’informe qu’il n’a pas suffisamment d’équilibre pour se livrer à ce genre d’exercice. Le paysage est austère et Flo me donne ses premières leçons de géologie, souvenir de ses études et des nombreuses pierres qui jonchent son balcon, à Saint-Jean. Il a d’ailleurs peur qu’il s’effondre.

Coup de klaxon ! C’est Elisabeth qui nous dépasse enfin et qui nous attend pour le ravitaillement sur une place ombragée. Elle a mis du temps pour acheter de l’eau et le pique-nique que nous partagerons au sommet du col. Avec Flo, nous avons vu juste. Elles avaient beaucoup de sujet à se raconter avec Mali. Elisabeth nous informe qu’elles ont dû redescendre dans la Vallée jusqu’à Guillaumes pour trouver enfin un magasin. J’évacue à mon tour le déjeuner au pied du talus. Une purée de pommes vite avalée et les gourdes pleines, nous repartons pour les derniers kilomètres d’ascension.

Nos bécanes penchent de plus en plus vers l’arrière comme si elles voulaient nous désarçonner et la chaleur, aux alentours de midi, se fait écrasante. Nous convenons avec Flo que chaque deux kilomètres, nous ferons une petite pause, si possible dans un coin ombragé, pour boire abondamment. Les bornes placées à chaque kilomètre nous renseignent sur la distance qui nous sépare du sommet du col. Flo étend régulièrement une de ses jambes ou un de ses bras à la verticale, comme s’il voulait indiquer qu’il dépassait un obstacle. C’est sa façon à lui d’évacuer les débuts de crampes qui commencent à faire surface.

A environ deux kilomètres du sommet, je fais pour la première fois connaissance avec un objet qui allait me causer quelques soucis durant notre périple. Flo s’arrête soudain dans un endroit où la route rétrécie surplombe un précipice. Il se poste tantôt sur le parapet, tantôt sur la route où voitures et motos se succèdent à grande vitesse. Tenant son appareil qu’il a tiré de sa sacoche placée à l’avant de son vélo, il prend des photos dans toutes les positions. Tantôt à la verticale. Tantôt à l’horizontale. Parfois debout, parfois à genoux. Je lui conseille d’être prudent. Sans beaucoup d’écoute.

A mon grand soulagement, il range précautionneusement sa machine à immortaliser les paysages dans sa sacoche et nous parcourons les derniers hectomètres qui nous séparent du basculement.

Elisabeth nous attend une cinquantaine de mètres en aval du sommet. Elle a dégoté pour le pique-nique le seul coin un peu protégé du soleil : un rocher situé en bordure d’un lac. De quoi nous remplir l’estomac et nous rafraîchir les pieds. Malgré l’effort soutenu, Flo a bon appétit et il ne refuse aucun des aliments proposés. Il monte sur le talus qui surplombe le lac, de l’autre côté de la route, pour immortaliser la scène du pique-nique.

Après ce repos bien mérité, nous poursuivons les derniers mètres de l’ascension et atteignons le Col de la Cayolle qui culmine à 2'326 m. Nous avons donc avalé 1'300 mètres de dénivelé avant le repas de midi. Nous devons faire la queue pour qu’Elisabeth éternise notre passage. Ils sont en effet nombreux les cyclistes et autres motards qui veulent poser devant la borne qui marque le sommet de l’ascension.

Nous entamons la descente. Si j’avais encore des doutes, ils sont balayés. Je suis un très mauvais descendeur. Flo m’est nettement supérieur. Toutefois, nous convenons que ce sera moi qui roulera devant et Flo qui suivra. Après une dizaine de kilomètres, je m’arrête pour soulager mes poignets fatigués d’être crispés sur les freins. Flo à l’air en bonne forme, mais il a un gros souci : Il a oublié de prendre en photo, au sommet du Col, l’un des versants. Je lui signifie qu’il faudrait presque deux heures de montée pour prendre ce cliché unique à ses yeux et qu’Elisabeth l’aura certainement stocké dans sa boîte à photos. Nous poursuivons la route. Dans un virage appuyé, j’ai l’impression que Flo n’est pas derrière moi. Impression qui se traduit rapidement en certitude. Pour la première fois, je flippe. Et si Flo avait raté un virage et s’il était tombé sur la route ou dans un précipice. Les véhicules qui défilent m’indiquent qu’il n’est certainement pas blessé en bordure de route. J’appelle une première fois, sans succès, Elisabeth sur son portable. Elle ne répond pas. Les liaisons sont difficiles en montagne. Après de longues minutes, je réussis enfin à la joindre. Elle me retrouve et nous faisons, en voiture, le trajet inverse en direction du col de la Cayolle. Quelques kilomètres plus loin la silhouette de David Hamilton, apparaît au bord de la route. Remontrances. Flo doit absolument me dépasser et m’avertir lorsqu’il se sent l’âme d’un photographe. Il se confond en excuses et me soûle de « Monsieur » à tire larigot. Je lui demande de me tutoyer étant donné que nous partageons la même galère. Il refuse prétextant la différence d’âge. Je lui demande s’il me trouve trop vieux pour le faire. Ce à quoi il rétorque : on ne dit pas trop vieux mais âgé. Dont acte.

Il roule seul devant nous à vive allure. Le compteur de notre voiture indique 50 km/heure et nous ne le rattrapons toujours pas. Je récupère mon instrument de torture à deux roues et ne rattrape Flo qu’à la faveur d’un faux plat montant. Je lui demande de rester derrière et de m’avertir lorsqu’il sera victime d’une nouvelle crise de photo-manie aigue.

Au hameau du Fours, Elisabeth nous attend sur une terrasse, à l’ombre de grands arbres. Flo ne m’a pas suivi. L’inquiétude est un peu moins grande puisqu’il y a de fortes chances qu’il se soit arrêté pour assouvir sa passion. Quelques minutes plus tard, nous le hélons afin qu’il nous rejoigne pour partager une boisson fraîche. Il jette son dévolu sur un thé froid. La patronne du restaurant, qui a largement dépassé les quatre-vingt-dix ans et qui s’est cassé les dents en mangeant de la crème, lui apporte un thé tiède et un grand pot d’eau froide ! Les deux retraités qui partagent la terrasse avec nous, nous apprennent que Madame Arnaud est connue pour ses assiettes de ravioles maison (sauf erreur fourrés aux pommes-de-terres). Nous échangeons quelques considérations sur le deuxième tour des législatives françaises, sujet qui ne semble pas les passionner, comme d’ailleurs tous les interlocuteurs avec lesquels nous avons abordé ce thème tout au long de notre voyage. Ensuite, ils nous tracent un portrait pas très rassurant sur la descente sinueuse et étroite qui nous attend. Mali, qui avait effectué une reconnaissance en voiture, nous avait également mis en garde sur la difficulté technique du tracé.

La descente est effectivement périlleuse. A certains endroits, elle ressemble aux « Croisettes » de chez nous, avec des passages taillés dans le roc à l’amont et des précipices à l’aval. Flo s’y sent comme un poisson dans l’eau, alors que mon cœur bat la chamade. Au milieu de la descente, je m’arrête pour laisser passer une voiture qui nous suit depuis un moment. Un mobil home en profite pour en faire de même, ce qui suscite la désapprobation de Flo qui estime que nous roulions plus vite que cette maison ambulante. Il a raison car nous la rattrapons. Mais, sur la route rétrécie, elle nous sert d’ouvreuse puisque tous les véhicules qu’elle croise se rangent, comme ils peuvent, sur les côtés ou sur les rares places de dégagements.

Enfin la route s’élargit. Elisabeth s’est garée sur une petite place en bordure. Nous convenons que nous allons prolonger notre « balade » jusqu’au Lauzet situé à 25 kilomètres où nous passerons la nuit. En attendant elle peut aller flâner à Barcelonnette avant de nous rejoindre à l’hôtel que nous avons réservé pour deux nuits.

A l’entrée de Barcelonnette, nous nous arrêtons à un carrefour pour demander notre route à un chauffeur de pick-up. Nous commençons à fatiguer et tenons à éviter tout trajet inutile. Flo, qui n’a pas confiance à mon sens de l’orientation, me demande, quelques centaines de mètre plus loin, si nous sommes toujours dans la bonne direction. Une dame âgée (plus que moi) interpellée nous indique que c’est tout droit en direction de l’aéroport.

La circulation est intense et le vent contraire ralentit notre progression malgré une route légèrement descendante. Flo me propose de passer devant afin que je bénéficie à mon tour de la protection anti-vent. Je remarque alors qu’il a beaucoup de peine à rouler sur le côté droit de la route et qu’il se tient souvent à 2 ou 3 mètres du bord, provoquant parfois quelques coups de klaxons intempestifs des véhicules qui nous dépassent. Ce problème est probablement à mettre sur le compte de sa vision défaillante. Je lui demande de repasser derrière et de me suivre en restant le plus possible près du bord de la chaussée.

Nous cherchons désespérément un débit de boissons dans les localités que nous traversons car l’eau se fait rare dans nos gourdes. Sans succès. Après un passage taillé dans les rochers où les véhicules ne peuvent pas se croiser, nous atteignons la fin de la descente et un croisement. Flo met toujours en doute mes facultés à m’orienter. Les horaires d’un arrêt de bus isolé me confortent sur l’exactitude de la route à suivre. Celle-ci monte légèrement et au bout de quelques kilomètres, nous rencontrons deux amateurs de canoë kayak qui ont abandonné la rivière pour attendre que le bus de leur club vienne les rechercher. A la question « C’est encore loin le Lauzet ? » l’un répond que c’est à 45 km à l’opposé. Son compagnon précise, inutilement, que c’est un farceur et que notre but se situe à 2 ou 3 km. Après avoir fait plus ample connaissance, nous reprenons la route.

Après 500 ou 600 mètres, une pancarte indique l’entrée du Lauzet et miracle, une remorque couverte déguisée en « food truk » se trouve juste après sur la droite. Il ne s’agit pas d’un mirage. Une dame avenante nous accueille et après nous avoir indiqué que notre hôtel se trouve de l’autre côté de la route, elle nous sert des boissons rafraîchissantes. Elisabeth qui nous a rejoint s’indigne car, dans la foulée, nous avons commandé d’immenses sandwiches alors que le souper est proche. Nous garderons une partie de nos victuailles pour le pique-nique du lendemain. Notre halte réparatrice nous a également appris que la tenancière est divorcée et qu’elle élève un petit garçon. En hiver, elle travaille comme employée de remontées mécaniques dans l’une des stations environnantes.

Nous traversons la route. Une sympathique et jolie réceptionniste nous conduit au garage des vélos. Nos montures seront seules à y passer la nuit. Par contre, le long de la façade de l’hôtel une vingtaine de motos puissantes et rutilantes sont alignées. Après avoir pris nos bagages, nous découvrons nos chambres qui se jouxtent. Elles sont spacieuses et confortables. Je donne une bonne heure à Flo pour les rétablissements et rendez-vous à 20 h. 00 pour le souper. Je me suis très vite aperçu qu’il avait besoin de directives claires et précises, un peu comme le fait un commandant à l’armée. Bien que je n’aie jamais dépassé le grade de simple soldat, ce jeu semble convenir à Flo qui répond souvent, en portant une de ses mains à la hauteur de ses yeux, « Oui mon Capitaine ». Flo n’a pourtant pas d’expérience militaire puisqu’un surfeur qui lui est rentré dans le dos, lors d’un séjour à Durban, en Afrique du Sud, a contribué à en faire un réformé.

A 20 h. 00, pas de Flo. Je monte dans sa chambre où il me signifie qu’il n’est pas encore prêt. Je constate que les renseignements qu’on m’avait donné sur l’absence de la notion du temps qui s’écoule et des horaires sont exacts. Flo nous rejoindra, quelques instants plus tard, dans la salle à manger en plein air. Celle-ci est située à proximité de la piscine que Flo qualifie de baignoire.

A table, Flo s’avère un charmant compagnon. Il soutient la conversation et fait honneur au menu qui est servi. Il partage même avec nous, avec modération, la bouteille de vin rouge que nous avons commandée. Arrivé aux fromages qu’il faut aller chercher au buffet où ils se font rares vu l’heure tardive, il estime que le choix n’est pas suffisant. Le serveur, qui a quitté sa Bretagne natale pour suivre l’élue de son cœur dans les Alpes Maritimes, lui apporte une grande assiette sur laquelle il a disposé un choix de tous les fromages qu’il a trouvés en cuisine. Flo fait également la fête au buffet des desserts. L’assiette, qu’il tient dans une main, est trop petite pour englober l’éclair au chocolat qu’il sert dans l’autre et qui tombe au sol avant de finir dans son estomac.

Après le repas, Flo engage la conversation avec le serveur qui s’ennuie de la mer et des sorties en bateaux. Lui aussi est un marin puisque toutes les semaines, il se rend au Bouveret où sous les ordres d’un Capitaine, un vrai celui-là, il s’initie, en équipage, au maniement d’un navire.

La première journée a été longue et pénible. Nous avons parcouru la distance du petit raid Hérémence-Grimentz, avec il est vrai des routes un peu moins caillouteuses et chahutées. Flo ne se fait pas prier pour rejoindre sa chambre et je le suppose tomber rapidement dans les bras de Morphée.

Dimanche 18 juin 2017 – Le Lauzet – Barcelonnette et retour (42 km)

Après les efforts consentis la veille, nous avons prévu de déjeuner vers 9 h. 30, juste avant la fermeture de la salle à manger. Flo n’est pas dans sa chambre. Nous le retrouvons sur la terrasse de l’hôtel. Il a déjà fait le tour du petit lac qui se trouve à proximité et fait la connaissance des pêcheurs qui y taquinent la truite sans succès. Après le déjeuner, il nous accompagne dans un nouveau tour du plan d’eau en se faisant du souci pour une statue de sirène qui a perdu la tête. Finalement, il convient volontiers qu’il s’agit plutôt de la reproduction d’une femme puisque le bas de son corps n’est pas un poisson.

Le programme de la journée prévoit que nous pédalions en direction du Col de Vars et que nous cachions et cadenassions nos vélos peu après Barcelonnette afin que la montée ne soit pas trop longue le lendemain. En reconnaissant ce Col en voiture, lors de notre voyage aller, il m’a semblé que l’ascension était très ardue et que nous aurions de la peine à l’enchaîner, après avoir parcouru plus d’une quarantaine de kilomètres pour l’approche.

Peu avant midi, après avoir rempli nos gourdes avec de l’eau plate achetée auprès de la dame qui exploite le petit débit de boissons en face de l’hôtel, nous revoilà partis. Malgré quelques courbatures, la route nous paraît plus facile. Aujourd’hui, c’est moi qui doit m’arrêter fréquemment, non pas que j’aie attrapé le virus de la photo, mais sous l’effet de la chaleur, mes yeux irrités m’empêchent de voir la route. J’attribue le problème à la crème solaire qui fond et qui coule avec la transpiration. Elisabeth nous rejoint à mi-parcours. Telle une maquilleuse, elle essuie le pourtour de mes globes oculaires avec des mouchoirs en papier et de l’eau et me demande de ne plus les frotter avec mes doigts. Flo a bien retenu la leçon et ne manque pas, à chaque halte, de me rappeler les conseils de ma femme.

Avant Barcelonnette, nous trouvons une petite pinède, un peu à l’écart de la route. Nous appelons Elisabeth qui nous rejoint pour le pique-nique composé des restes de la veille. Je profite de ce moment de répit pour informer Flo que, compte-tenu que la route qui sépare le début du col de l’hôtel est relativement plate, j’ai décidé un changement de programme. Nous rentrerons à vélo ce soir à l’hôtel et partirons de là demain de bonne heure afin d’éviter, en début de journée, les grandes chaleurs. Cette décision ne suscite pas l’enthousiasme mais elle est prise comme un ordre. Mes yeux sont en feu. Je change mon diagnostique et en déduis finalement que je souffre du rhume des foins chronique qui m’affecte souvent en cette saison.

Nous avalons ensuite les quelques kilomètres qui nous séparent de la ville. Après une séance photos sur la place de l’hôtel de ville, nous poussons nos bicyclettes dans la rue piétonne jusque chez le marchand de glaces chez lequel nous nous étions déjà arrêtés lors de notre reconnaissance. Avec Flo, nous jetons notre dévolu sur des granités, d’abord menthe, puis citron, qui assouvissent notre soif. Le patron glacier est un adepte du vélo ; il a déjà parcouru tous les cols environnants et nous donne des tuyaux utiles pour notre chevauchée du lendemain. Après discussion, il nous propose de nous montrer son vélo de course qu’il exhibe fièrement quelques secondes plus tard. Il s’agit d’un modèle, dernier cri, en carbone, qu’il a acheté d’occasion à un pro. Il pèse 6 kilos. Les nôtres en font le double ! L’on comprend ainsi pourquoi, de nombreux cyclistes nous ont dépassés hier lorsque nous escaladions le Col de la Cayolle. Hum, Hum, il y a peut-être d’autres facteurs.

Flo décide au bout d’un moment d’aller acheter des cartes postales et des timbres. Une demi-heure plus tard, Elisabeth part à sa recherche. Elle le trouve dans un bar-tabac où il a dépensé 35 euros pour narrer ses aventures à ses proches.

C’est l’heure du départ. Flo, qui est resté assis en face de l’église plus d’une heure, m’informe qu’il n’a pas encore pris de clichés de ce lieu de culte. Ma rhinite, qui ne me lâche pas, m’a rendu un peu irritable. Je lui fais remarquer qu’il a eu assez de temps auparavant et que nous nous mettons en route, sans tarder. Pour la première fois depuis le départ, Flo s’énerve. Après quelques jurons bien sentis, il propose que nous nous séparions… La séparation a duré 30 secondes ! Nous nous arrêtons près d’une fontaine où l’eau fraîche permet de soulager mes yeux. Flo ne sait pas ce qu’est le rhume des foins puisque, selon lui, il n’est jamais malade. Je lui décris cette allergie qui affecte de très nombreuses personnes, en lui expliquant que pour moi, à un certain stade, c’est comme si on me jetait du sable dans les yeux. Il compatit à ma douleur et nous rentrons pratiquement d’une traite à l’hôtel malgré un vent contraire qui n’a pas faibli depuis la veille. Seule la carcasse d’un ancien avion, placée en bordure de l’aéroport, mérite selon Flo de figurer dans son incommensurable collection de clichés.

Arrivés à la hauteur de l’hôtel, je fais signe à Flo d’obliquer à droite pour rejoindre le parking. Il tourne à gauche, en m’informant qu’il va trouver la tenancière de la remorque à boissons. Je vais déguster une bonne bière en compagnie d’Elisabeth sur la terrasse de l’hôtel. Au bout d’une heure, je pars aux nouvelles. Flo qui m’a aperçu de l’autre côté de la route me rejoint. Il a appris que la tenancière avait un nouveau compagnon. En allant garer nos vélos, nous croisons un groupe de joyeux belges « âgés » qui sortent d’un bus de voyage. Flo aborde une dame pour lui demander d’où ils viennent. De Bruges, la Venise du Nord, mon bon Monsieur ! En nous voyant en tenue de cycliste, elle rappelle que son pays est un vivier de champions. Je lui rétorque que mon compagnon a déjà gagné plusieurs fois Paris-Roubaix, ce qui l’amuse et nous permet de mettre fin à une conversation qui promettait de s’éterniser.

Nous rejoignons nos chambres pour une douche nécessaire et nous convenons de nous retrouver à 19 h.00 pour l’apéro au bar de l’hôtel. Je sais maintenant que Flo ne sera pas à l’heure et toque à sa porte, avant de descendre, pour l’informer que nous l’attendons au bar. Il arrive quelques minutes plus tard. Il est contrarié par le Directeur de l’hôtel qui explique, micro à la main, au groupe de belges, les secrets de l’hôtel et les merveilles à découvrir aux alentours. Le guide traduit en flamand toutes ses paroles.

Nous activons notre passage à table. Dimanche soir, c’est un buffet. Flo arrive avec une assiette d’entrées qui déborde de tous les côtés. Nous lui indiquons qu’il y a encore 3 services qui suivent. Il n’y avait pas pensé, mais fait honneur aux autres mets, en s’activant quelque peu afin de ne pas devoir faire la queue derrière les belges qui ont également rejoint la salle à manger.

Lors des repas, les discussions vont bon train. Flo continue à discuter avec le serveur-marin breton. Celui-ci doit parfois interrompre la conversation car son Chef le regarde de travers. Dans l’intervalle, Flo a appris que la jolie réceptionniste est également la copine du Breton. Avec nous, il aborde tous les sujets, avec une préférence pour ceux qui concernent nos familles respectives. Nous faisons ainsi plus ample connaissance avec Esther, avec qui il a joué à Walter Bonatti dans les Drus, bivouaquant dans la paroi et se faisant évacuer par voie aérienne, aux frais de l’Etat français, le lendemain. En plus d’élever ses deux enfants, elle s’occupe également de jeunes en difficulté. Elle partira d’ailleurs avec eux en camp la semaine prochaine. Lucie et sa famille qui l’ont accueilli en Alaska lors d’un voyage mémorable et qui s’apprêtent à quitter temporairement le Canton de Neuchâtel pour un séjour en Nouvelle-Zélande. Nous connaissons mieux son frère Simon, avec lequel il a fait les quatre cents coups, puisqu’il réside en Anniviers.

Il nous parle aussi de son père qui vit dans la région de Zurich avec sa famille recomposée et ses deux jeunes enfants. Il ne le voit pas souvent car son domicile est trop éloigné de Saint-Jean. Lorsque nous lui faisons remarquer qu’il lui ressemble avec sa barbe-collier de plusieurs jours, il précise malicieusement, en passant sa main dans ses cheveux fournis : à un détail prêt.

Sa mère tient une place privilégiée. Il a essayé en vain de nous expliquer les ramifications familiales et rurales de sa maman française dont il est fier. Il nous a parlé de ses deux compagnons successifs prénommés Pierre. Il a beaucoup d’affinité avec le dernier qui est marin. Nous aurions dû faire sa connaissance à Saint-Martin d’Entraunes, mais un méchant mal de dos l’a empêché de participer à l’aventure. Lorsque l’on aborde la politique ou d’autres sujets de Société, la patte de Mali n’est pas loin. Il n’aime pas Marine Le Pen, ni les constructions désordonnées dans certaines stations.

Il aime aussi évoquer le voyage à vélos de la famille Wiget, lorsqu’il était âgé de 17 ans, à travers la Pologne, la Bulgarie et d’autres pays, à l’exception de ceux de l’Ex-Yougoslavie qui étaient en guerre. L’organisation, durant ce voyage se rapprochait quelque peu de celui en cours, étant donné qu’elle était aussi militaire. Cela me fait penser que Flo est sensé reproduire l’épopée de l’époque et que normalement, il devrait transporter sur son vélo les 6 bagages, pesant environ 20 kilos, qui sont dans notre voiture. A cette évocation, j’ai cherché un adjectif un peu plus arrondi, mais le seul qui m’est venu à l’esprit, c’est sadique (pardon aux organisatrices). Dans certaines parties du Col de la Cayolle, nous étions déjà, à vide, à la limite de tomber, je ne sais pas comment Flo se serait déplacé avec tous ses baluchons qui auraient déséquilibré son vélo.

Elisabeth est fière de lui présenter la bouille de Yohan, le bébé que notre fille Stéphanie a mis au monde il y a moins de deux mois. Pour la première fois, nous sommes grands-parents. Mieux vaut tard que jamais ! On lui parle également de nos deux autres fils Olivier et Didier au parcours de vie différent. Flo ne les connaît pas très bien car il est un peu plus âgé et n’a pas été en classe avec eux.

Ce soir, nous abrégeons un peu l’après-repas car demain nous allons partir de bonne heure. Après une nouvelle et brève halte à la réception, c’est la moins jolie réceptionniste qui est de service, pour acheter encore des cartes postales, nous nous rendons dans la chambre de Flo pour l’aider à préparer ses bagages. Il a été drillé, je ne sais pas si c’est par Esther ou par Mali, mais j’ai de la peine à lui faire ranger ses affaires dans les trois sacs qui ne sont pas restés dans la voiture. Il plie minutieusement tous ses habits, hésitant dans quel bagage il doit les mettre. Chez moi, c’est Elisabeth qui s’en occupe. Il a fait la lessive et certains de ses habits ne sont pas secs. On les étend sur le balcon et l’on convient qu’il mettra, dans un sac en plastique destiné à la voiture, ceux dont il n’aura pas besoin demain. Après avoir vérifié que son portable et son appareil photos sont bien chargés (pour ce dernier, j’ai songé un bref instant à organiser un sabotage), je prends congé de Flo en emportant tous les bagages, dont il n’aura pas besoin demain, pour les déposer dans la voiture.

Lundi 19 juin 2017 – Le Lauzet Ubaye – Barcelonnette – Col de Vars – Vars Sainte-Marie : 65 km

Le réveil est fixé à 06 h. 00 afin que nous soyons prêts au départ à 07 h. 00. J’entends dans la chambre jouxtant la nôtre que Flo est debout. Lorsque je frappe à sa porte, il est pratiquement d’attaque. Nous descendons, comme des voleurs, jusqu’à l’entrée qui est fermée, mais dont on nous a donné le code pour sortir.

Il me parle, comme souvent, en anglais ou en italien, souvenir de ses études, avant son accident. Par contre, pour l’allemand son papa, pourtant natif de Schwytz, ne le parlait pas à la maison, ayant marié une française.

Avant de partir, je demande à Flo s’il veut manger une barre de céréales étant donné que nous n’avons pas déjeuner. Négatif. Nous nous élançons, en direction de notre but journalier. L’air matinal est frais, ce qui m’incite à accélérer un peu. Au bout d’un moment, m’apercevant que Flo ne suit pas, je m’arrête. Il est de mauvaise humeur. Il me fait remarquer que son vélo est plus lourd que le mien et que j’appuie un peu trop sur les pédales à la montée. Par contre, à la descente, il constate qu’il roule mieux que moi. Nous continuons notre progression. Un groupe d’une dizaine de cyclistes nous dépasse. Je me pique au jeu et j’accélère. Flo n’apprécie pas. Je luis dis que nous nous arrêterons à l’entrée de Barcelonnette dans un supermarché pour déjeuner. Bonne idée, car il ne rechigne plus.

Nous voilà à l’intérieur du supermarché. Flo me dit qu’il aimerait du Bircher. Je lui réponds que cela me semble difficile. Il se rabat sur l’étalage de pêches et en met une dizaine dans un grand cornet qu’il demande à une vendeuse de peser. Je lui propose de prendre un yahourt. Il opte pour un pot familial de mousse au chocolat. Je me rends au rayon des sandwiches. Il est également intéressé d’en prendre un au poulet et aux œufs. Nous nous rendons à l’extérieur pour le repas. Flo mange la moitié du sac de pêches avant d’attaquer, avec ses doigts, le pot de mousse au chocolat. Il termine par le sandwiches que pour ma part j’ai avalé depuis de longues minutes. Le tout arrosé de jus d’orange. Je crains qu’après ce copieux en-cas, Flo ne veuille plus remonter sur son vélo. Je me trompe. Il a repris goût à la vie. Il remet son casque selon un rituel bien établi. Il tient une partie de la jugulaire dans sa bouche pour suppléer à son bras défaillant, avant de la fermer avec sa main valide.

Un raccourci, présenté comme tel par une aimable cycliste, nous permet de faire connaissance avec les hauts de Barcelonnette et nous oblige à redescendre au centre-ville. Après avoir demandé à une ou deux reprises notre chemin, nous trouvons les panneaux qui indiquent Jausiers, village situé sur les contreforts du Col de Vars. Encore 21 km de légère montée avant de rejoindre Saint-Paul où est prévue la pause de midi. La première partie ressemble à une promenade touristique.

A Condamine, Flo est perturbé. Il a oublié ce matin, avant de partir, de photographier l’Ubaye, la rivière qui coule dans la Vallée du même nom. Il me demande d’appeler Elisabeth afin qu’elle immortalise cette rivière. Je lui mens peut-être en lui affirmant qu’elle a déjà quitté l’hôtel et que de toute façon l’Ubaye coule également dans la Vallée dans laquelle nous nous trouvons. Il peut donc la photographier à sa guise. Nous atteignons Les Grenziolles où la déclivité commence à se faire plus sévère. Elisabeth nous rattrape dans cette montée qui doit nous amener à Saint-Paul. Je lui demande d’aller en reconnaissance plus haut, en direction du col, pour voir si nous pouvons nous arrêter pour le repas de midi dans un restaurant situé en bordure de route. Comme j’ai pris l’habitude, depuis que je suis avec Flo, de donner des ordres militaires également à ma femme, Flo rajoute, à chaque fois, malicieusement : « S’il vous plaît Elisabeth ».

Peu avant midi, nous atteignons Saint-Paul, village situé à 1'470 m d’altitude. Nous nous arrêtons devant un brasserie artisanale « La Sauvage » qui est déserte. Elisabeth nous rejoint. Il y a beaucoup de gîtes au bord de la route mais ils sont tous fermés. Aucune mention ne l’indique sur les affiches destinées à attirer les touristes. Je lui demande de faire route arrière afin d’aller nous chercher un pique-nique. Flo rajoute : « S’il vous plaît Elisabeth » !

En attendant son retour, nous reprenons la route car il reste encore une dizaine de kilomètre jusqu’au sommet du Col et 650 mètres de dénivelé. La chaleur est accablante. A 6 km du sommet, Elisabeth nous dépasse ; elle nous attend sur une petite place, en bordure de route. L’endroit choisi pour le pique-nique ne plaît pas à Flo, car il est situé trop proche de la route. Pour ma part, je commence à sentir mes jambes et je suis heureux de faire une petite pause. Je dépose mon vélo contre le talus et invite Flo à en faire de même. Pas question, malgré un terrain mal plat, il veut faire tenir le sien sur sa béquille. Mal lui en prend. Une légère bourrasque de vent le fait tomber, ce qui provoque son mécontentement car il a peur que les gardes-bouts soient abimés. Finalement, il partage le pique-nique qu’Elisabeth a finalement déniché dans la Vallée, au croisement des routes qui conduisent au Col de Vars et en Italie voisine.

Nous nous donnons rendez-vous au sommet du col. J’éprouve quelques craintes car certains guides de référence du monde cycliste français précisent que le col de Vars est un grand col des Alpes « l’un des plus durs avec le Parpaillon, l’Izoard, le Galibier ». Très roulant jusqu’à Saint-Paul sur Ubaye, le col réserve quelques surprises dans la dernière rampe de 5 km à 10% de pente de moyenne. Flo balaie mes craintes et m’informe qu’il ne sera pas question de mettre pieds à terre et de pousser le vélo. Let’s go !

La fin de l’ascension se déroule dans de meilleures conditions que prévues. Un petit vent frais a fait baisser la température de la fournaise. Les bornes kilométriques égrainent les kilomètres qui nous séparent du sommet, en indiquant des pourcentages qui grimpent. Le paysage s’élargit et s’embellit, ce qui déclenche naturellement une envie irrépressible de prise de vues chez mon compagnon. Après deux arrêts, je décide de poursuivre seul la montée et d’attendre plus haut que Flo me rejoigne. Ce qu’il fait quelques minutes plus tard. Nous parcourons la dernière partie du col ensemble. Dans un virage, nous avons aperçu la borne qui indique le dernier kilomètre. Un champion qui nous dépasse nous crie que nous arrivons au sommet. Le goudron a été refait et les derniers coups de pédales sont moins astreignants.

Nous apercevons Elisabeth au sommet du col. Nous rectifions nos tenues pour la photo. Malheureusement, la photographe officielle est occupée à immortaliser deux motards qui posent devant la stèle qui marque le sommet du col. Arrivée ratée ! Qu’à cela ne tienne, nous redescendrons que quelques décamètres après nous être désaltérés et nous rejouerons la scène de l’arrivée au sommet du Col de Vars.

Le tenancier du restaurant nous explique que prochainement les populaires puis les pros du Tour de France passeront devant chez lui. Nous lui faisons remarquer que c’est une aubaine pour son établissement. Il nous répond qu’il devra engager du personnel pour éviter que ses toilettes soient envahies par des non-consommateurs. Il préfère de loin les motards et les cyclistes qui s’arrêtent chez lui tout au long de l’été.

Nous profitons de cette halte pour appeler Mali afin qu’elle nous réexplique comment utiliser l’appareil officiel pour tourner des vidéos. Ensuite, comme décidé, les deux cyclistes rejouent, par trois fois, avec des visages un peu plus frais, l’arrivée héroïque au sommet du col.

La descente est agréable et je me surprends même à dépasser les 40 km/heure à certains endroits. Nous traversons la station de Vars, connue l’hiver pour ses pistes de ski et notamment pour sa piste de kilomètre lancé sur laquelle le record du monde a été figé à 255 km/heure. Nous avons rendez-vous devant l’Office du Tourisme où Elisabeth est allée réserver un hôtel. Je suis surpris que Flo soit toujours derrière moi. Cependant, il est dépité. En descendant, il a repéré, à l’entrée de la station, une statue en bois représentant un skieur qu’il n’a pas photographié. Je lui propose de remonter sur un trajet que j’estime à une demi-heure et de me rejoindre ensuite. Ce n’est probablement pas la demi-heure qui l’inquiète, étant donné qu’il n’a pas la notion du temps, mais le souvenir de la pente qu’il a parcourue à la descente qui le fait hésiter. Finalement, Elisabeth accepte de le conduire en voiture à l’endroit de ses aspirations. Une vingtaine de minutes plus tard, ils sont de retour. Flo rayonne !

Nous passerons la nuit à Vars-Sainte-Marie, le village situé en contrebas. Un petit détour pour trouver l’hôtel et nous rangeons nos vélos dans une dépendance.

L’hôtel familial, géré par deux sœurs très chaleureuses, est situé sur la place du village, en face de la mairie. Selon l’employée de l’Office du tourisme consultée par Elisabeth, l’on y mange bien. Les chambres sont correctes et propres. En attendant l’heure du souper, nous nous rétablissons et nous nous reposons.

Le repas du soir se déroule dans une salle voûtée qui, selon les propriétaires, a probablement été un ancien monastère. Flo a de nouveau bon appétit. L’une des sœurs dépose le plateau de fromages sur notre table et propose également une alternative de fromage blanc. Flo n’a pas réagi de suite. Il se rend à la réception pour commander du fromage blanc qu’il mange avec du sucre. Ensuite, il fait honneur aux fromages restés sur la table. En face de nous, trois hommes âgés d’un peu moins de 60 ans font eux honneur au vin de la région et aux digestifs. A la langue qu’ils parlent, mélange d’allemand et de néerlandais, l’on devine qu’ils sont Luxembourgeois. Comme ils parlent de plus en plus fort, Flo est dérangé.

Nous partons digérer le souper en visitant le village dont nous sommes les hôtes. Comme partout où nous sommes passés aujourd’hui, il semble désert. De retour à l’hôtel, les trois Luxembourgeois, installés sur la terrasse, engagent la conversation. Très vite, chacun d’entre nous entre en discussion avec l’un deux. Au bout de quelques confidences, nous leur proposons une tournée de génépi. Flo opte pour un Pastis. Après que nous soyons partis nous coucher, il continuera à discuter avec les trois motards jusqu’à ce qu’une des patronnes vienne gentiment leur demander de regagner leurs pénates, afin de ne pas perturber le sommeil des autres clients de l’hôtel et des habitants environnants.

Mardi 20 juin 2017 – Vars Sainte-Marie – Guillestre – Champcella – 30 km

Pour le dernier jour, le programme est allégé. Lorsque nous nous levons vers 09 h. 00 pour déjeuner, Flo n’est pas dans sa chambre. A la réception, il a laissé son pointeur afin qu’il soit chargé, comme réclamé dans un message par Esther. Hier soir il ne savait pas comment procéder, mais comme il dit : le matin les idées sont plus claires. Une des hôtelières l’a vu se diriger en direction du village. Après avoir rapidement scruté les alentours, je renonce à jouer à cache-cache et je rejoins Elisabeth dans la salle à manger. Nous croisons les trois motards luxembourgeois. Ils sont beaucoup moins loquaces que la veille. Ils nous apprennent tout de même que leur chevauchée les conduira à travers le Col de Vars, et celui de la Bonnette, la plus haute route d’Europe, jusqu’à Menton où ils passeront la nuit. Ils feront donc le trajet inverse de Flo.

A peine installés, nous apercevons, avec soulagement, la silhouette caractéristique de notre photographe professionnel. Il a dû immortaliser toutes les bâtisses de Vars Sainte-Marie. Flo partage, dans un premier temps, le déjeuner avec nous, mais le départ imminent de ses amis de la veille réveille son instinct de chasseur d’images. Il fixe sur la pellicule, en long et en large les préparatifs des trois motards et le moment... impérissable où, mains levées et moteurs vrombissants, ils partent vers de nouveaux horizons.

Flo terminera son déjeuner sur la terrasse où on l’a installé afin de pouvoir préparer les tables pour le midi. Bagages transportés dans la voiture, adieux à nos sympathiques hôtes et départ sous le regard des quelques badauds qui se trouvent devant l’hôtel.

Comme promis, premier arrêt photo devant le panneau de signalisation qui marque la fin de la localité que Flo a oublié lors de sa promenade matinale. La descente n’est pas trop technique. Nous nous arrêtons sur une place panoramique qui ouvre des perspectives sur le col de Vars à l’amont et sur la Vallée de Guillestre à l’aval. Un peu plus bas, Elisabeth nous attend pour la photo officielle des deux cyclistes avec la ville de Guillestre en contre bas. Lorsque nous sommes à nouveau prêts pour continuer la route, Flo veut également sortir son appareil. Devant ma réprobation, il se fâche : va chier…je fous le camp. Je le rappelle vertement et il remonte la dizaine de mètres déjà parcourus. Je lui fais alors remarquer que lorsque l’on vouvoie les gens, l’on ne dit pas va chier mais allez chier. Ce qui le met immédiatement de bonne humeur.

Je décide de ne plus m’arrêter jusqu’au fond de la descente. Erreur, puisque celle-ci se termine par deux giratoires. Naturellement, Flo n’est pas derrière moi. Je pose mon vélo près de la voiture qui nous attend au deuxième giratoire et remonte à pieds jusqu’au premier qui propose quatre directions. Après une longue attente, je demande à un des ambulanciers, venus chercher un automobiliste victime d’un malaise, s’il a vu un cycliste avec une sacoche à l’avant. Négatif. Je m’inquiète quand soudain surgit Flo à qui j’indique la direction à prendre.

Nous convenons de nous arrêter pour le repas de midi dans le premier restaurant que nous rencontrerons sur la route qui relie Guillestre à Briançon. La circulation est intense et les giratoires se succèdent. Nous arrivons à un croisement où se trouve un restaurant, mais également l’indication « Lac d’Eygliers ». Nous décidons d’aller manger au bord du lac. Le premier restaurant situé sur l’une des rives est fermé ; idem pour le second malgré les nombreux amateurs de joies lacustres qui fréquentent ces lieux. Retour au restaurant repéré en bordure de route où l’on nous accepte à condition que nous nous contentions du menu du jour. Par obligation, nous mangeons les hamburgers qui composent le plat principal, Flo se sacrifiant pour manger, en plus du sien, la moitié de celui d’Elisabeth.

L’après-midi sera réservée à une halte et une ballade autour du Lac. Dans un premier temps, Flo marque de l’intérêt pour une baignade, mais il y renonce finalement car il estime que cela prendra ensuite trop de temps pour se sécher. Le canoë ne récolte pas plus de succès, car jugé bon que pour les enfants. Nous profitons d’un petit banc ombragé pour faire de l’ordre dans l’appareil des photos officielles. Dans la famille, nous ne sommes pas doués pour la photographie, mais nous avons tout de même laissé un petit résumé de notre périple dans la carte mémoire qui sera transmise à Esther.

La promenade autour du lac permet à Flo et Elisabeth de disserter comme deux bonnes vieilles connaissances.

Vers 16 h. 30, départ pour notre dernière étape en direction de Champcella où nous sommes attendus aux environs de 17 h. 00. Après avoir quitté la route principale à Saint-Crépin, nous longeons, comme nous l’a indiqué au téléphone Stéphanie, la cousine de Flo, l’aérodrome. A la fin de celui-ci, surprise : un panneau indique Champcella 7 km mais la route monte de manière prononcée. Plus nous progressons, plus la pente se fait rude. On se croirait à nouveau dans un col. A chaque fois que nous apercevons l’horizon, on a la fausse impression que la pente va s’adoucir. Flo, sentant probablement l’écurie, ne veut plus faire de pause. Nous croisons en tout et pour tout deux véhicules, l’un dans le sens de la montée, l’autre en sens inverse. Les panneaux de signalisation kilométrique sont aux abonnés absents. A un certain moment, sentant que j’ai distancé Flo, je m’arrête en bordure de route. Un cycliste me rejoint. Il parle anglais et n’a pas l’air de connaître où se trouve Champcella. Ses deux compagnons de sport, ne sont pas plus au courant. Peut-être que leur ignorance n’est pas due à des lacunes géographiques mais à ma prononciation anglaise défaillante ? Flo me rattrape et nous croisons un autre cycliste en sens inverse. Questionné, il nous répond, essoufflé, que nous touchons au but. En effet, quelques centaines de mètres plus loin, nous découvrons, caché dans la verdure, le hameau signalé par Stéphanie.

J’interpelle dans une ruelle deux hommes qui ont à peu près mon âge. Ils ne connaissent pas Stéphanie Limon et m’informent qu’il y a plusieurs jeunes qui se sont établis dans le village ces derniers temps. Lorsque j’évoque une maison de paille récemment construite, ils m’indiquent le chemin, en précisant qu’il doit encore rester quelques bottes devant. Une centaine de coups de pédales plus loin, les personnes qui nous font des gestes devant une maison neuve attestent que nous avons atteint notre but final.

Elisabeth nous a suivi. Les bagages de Flo déchargés, les salutations et les présentations faites, nous sommes heureux de nous désaltérer avec les boissons fraîches qui nous sont proposées sur la terrasse. Un album de photos, nous permet de revivre la construction de la maison par Ludo et Stéphanie, aidés par leurs familles et leurs amis. Elle a duré une longue année. Ludo doit s’absenter pour assister à une réunion. Stéphanie et les enfants nous font découvrir leur maison. La seule trace de paille est visible à travers un hublot découpé dans le séjour. Pour le reste, du mélèze, de la terre battue recouverte de peinture, sauf sous le bar où elle a été laissée à l’état brut, et d’autres matériaux donnent à la maison un aspect tout à fait traditionnel. Emri et Maly, les deux jeunes enfants, nous font visiter, avec fierté, leur chambre et les bibelots qui y trônent.

Nous n’avons pas accepté l’invitation à passer la nuit dans cette maison, car nous avons rendez-vous le soir même dans le Queyras avec Marie et Eric, deux amis qui ont séjourné à Grimentz, il y a quelques années et que nous n’avons plus revus depuis longtemps. Ils nous ont réservé une chambre dans un hôtel que nous connaissons à Arvieux. Nous y partagerons le repas du soir car nous avons beaucoup de choses à nous raconter.

Il est temps de prendre congé de Flo et des Limon. Une page se tourne.

Le lendemain, après avoir visité un nouvel hôtel 4 étoiles à Saint-Véran, l’Alta Peyra, et pris le repas de midi avec Marie dans le restaurant que sa fille exploite à Aiguilles, nous prenons la direction de la Suisse, via le col de l’Izoard. Alors que nous dissertons avec Elisabeth, sur les difficultés que rencontrera Flo lors de la montée de ce col célèbre, fréquenté par des centaines de cyclistes, et les magnifiques paysages pittoresques qui nécessiteront de nombreuses pauses photos, mon portable sonne. Le temps de me garer, il est trop tard. Je rappelle Flo, qui heureusement n’a pas encore rangé le sien, qu’il met parfois plusieurs minutes à récupérer lorsqu’il est enfoui dans ces bagages. Il me répond de suite. Il a bien passé la nuit chez ses cousins. Il fait toujours aussi chaud. Il se réjouit de se reposer et de repartir demain avec son copain Alain accompagné d’un de ses amis. Il nous souhaite tout de bon pour notre retour en Suisse. Un petit pincement de cœur nous envahit.

Notre route de retour nous conduira par le Lautaret jusqu’à Grenoble. (Je n’ai pas osé proposer à Elisabeth de repasser par le Col du Galibier qui me rappelle le Tour de France que je suis régulièrement à la télévision, alors qu’elle considère qu’il s’agit d’une compétition de dopés). De Grenoble, nous rejoindrons Aix-les-Bains où nous passerons la nuit et profiterons de la fête de la musique dans la vieille ville. Le lendemain, nous nous arrêterons à Thonon, jour du marché, pour regagner Grimentz.

Christine, qui connaît bien Flo, pour l’avoir souvent accompagné en excursion, notamment au Ladakh, et l’avoir, entre autres, égaré au milieu de Katmandou et à qui nous avions demandé quelques tuyaux avant de partir, nous avait informé : il ne faut pas que vous considériez votre séjour avec Flo comme une bonne action, mais comme un voyage où vous allez échanger et apprendre. Elle avait mille fois raison !

Flo nous a appris beaucoup plus que ce que nous avons pu lui apporter.

Le courage : il en faut en effet pour nonobstant ses handicaps, grimper les cols à vélo, sans se plaindre. Même lorsque j’évoquais les difficultés dues à la canicule et la pente parfois soutenue, il me rappelait sa maxime inscrite sur l’un de ses pulls : « Avant de lâcher, on ne lâche pas ». Le compteur neuf de mon vélo, installé avant le départ nous informe que nous avons parcouru sur nos VTT une distance de 204 km en 4 jours, à une moyenne de 15 km/heure (6 km/heure lorsque la pente était à son paroxysme). Nous sommes donc restés assis sur nos selles durant près de 14 heures, ce qui explique les douleurs que j’ai ressenties à un endroit que la décence m’interdit d’évoquer. En descente, la vitesse maximale enregistrée est de 50.6 km/heure. Pour Flo, probablement beaucoup plus les rares fois où il était seul devant ou derrière.

La bonne humeur : à part quelques petits fléchissements, bien compréhensibles lorsque l’on reçoit des ordres à longueur de journée, et que l’on veut restreindre sa passion photographique, Flo a manifesté tout au long de notre périple de la bonne humeur et de la joie de vivre.

Le don d’aller vers les autres : chaque fois qu’il en a eu la possibilité, Flo a engagé, sans complexe, la discussion, avec celles et ceux avec qui nous avons eu des contacts : hôtelières, réceptionnistes, tenanciers de débit de boisson, motards, etc… Lorsque l’occasion s’est présentée, nous avons succinctement résumé, à ses interlocuteurs, la raison de son voyage et son parcours de vie.

La politesse : chaque fois qu’il s’est adressé à nous c’est avec beaucoup de déférence (trop). Il n’a jamais oublié de nous dire merci.

A notre tour, nous te disons : Merci Flo

Elisabeth et Yves

N.B. Le temps passé avec Flo ne nous a pas véritablement permis de percer le secret de sa personnalité. Nous pensons qu’à travers sa joie de vivre, son courage, l’apprivoisement de ses nombreux handicaps, il nous cache ses pensées profondes. A quoi cogite-t-il la nuit, lorsqu’il ne dort pas ? Quelles sont ses errances lors de ses longues balades solitaires ?

Je suis un cabossé de la vie, avec le raisonnement d’un enfant, a-t-il l’habitude de dire. Il est certain que le guide et le géologue qui avaient un avenir brillant devant eux, doivent, certaines fois, refaire surface et provoquer regret et colère.


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